L’apocalypse

L’Apocalypse : comment interpréter ce livre ?

Le livre de l’Apocalypse exerce chez certaines personnes une réelle fascination. Plusieurs éléments du livre – les sceaux, les trompettes, les cavaliers, le millénium, Babylone la Grande, le chiffre de la bête, etc. – suscitent grandement la curiosité humaine. Il s’agit vraiment d’un livre mystérieux et énigmatique.

Ce livre devrait-il occuper une place plus importante dans la vie de l’Église ? Devrions-nous parler plus souvent des événements de la fin du monde ? Comment devons-nous interpréter l’Apocalypse ? Faut-il donner un sens à chaque détail ?

Quelle place accordez-vous à l’Apocalypse dans votre Église ?

D’une part, nous ne sur-accentuons pas ce livre, il ne domine pas le discours de notre Église ; d’autre part, nous ne cherchons pas à l’ignorer ou à l’esquiver. Il fait partie du corpus du Nouveau Testament, et à ce titre, il apporte une contribution importante à la foi chrétienne comme tout autre livre biblique.

Pour certains, l’étude du livre de l’Apocalypse et la chronologie des derniers temps devraient occuper une place plus importante dans l’Église. En étudiant soigneusement ce livre, il nous serait possible de construire des schémas chronologiques assez précis concernant le retour de Jésus-Christ. Pour d’autres, cependant, accorder une telle importance à l’Apocalypse ne ferait qu’engendrer un désengagement social à l’égard du monde. Il vaudrait mieux développer des actions responsables pour bâtir une meilleure société plutôt que d’entretenir une vision apocalyptique de l’histoire humaine.

Quant à nous, nous cherchons à conjuguer à la fois une perspective prophétique (qui se préoccupe de l’état actuel des choses) et apocalyptique (qui regarde au-delà de l’horizon historique de ce monde). Ces deux visions s’enracinent dans les Écritures et ont leur place dans une vie chrétienne normale et équilibrée. Nous vivons dans l’attente du retour de Jésus-Christ sans pour autant nous désengager de nos obligations personnelles, sociales et politiques. Nous nous impliquons en ce monde et faisons des projets tout en gardant à l’esprit que Jésus-Christ reviendra un jour.

Pourquoi est-ce si difficile de comprendre l’Apocalypse ?

Le livre de l’Apocalypse est difficile à interpréter pour au moins trois raisons :

 D’abord, à cause de son genre littéraire. Le livre de l’Apocalypse est un genre littéraire qu’on appelle l’apocalyptique. Divers ouvrages apocalyptiques juifs circulaient avant la venue de Jésus, et même après. Un écrit apocalyptique est un ouvrage qui décrit la victoire finale de Dieu sur les forces du mal à la fin des temps, utilisant plusieurs images et symboles pour communiquer son message. La pensée apocalyptique juive présentait, grosso modo, trois caractéristiques, à savoir le dualisme historique (le concept des deux siècles), la transformation radicale de l’ordre du monde (l’idée d’un cataclysme) et la venue imminente du Royaume (son apparition soudaine). Or, ce genre littéraire est particulièrement difficile à interpréter à cause du symbolisme qu’il contient. Les spécialistes s’entendent aujourd’hui pour dire que l’Apocalypse de Jean serait un mélange de genres littéraires, soit une lettre adressée aux Églises du premier siècle (genre épistolaire), une proclamation des événements à venir, proches ou lointains (genre prophétique) et un écrit à forte saveur triomphaliste soulignant la victoire de Dieu (genre apocalyptique)

 Ensuite, à cause de sa structure pas si évidente. Devons-nous faire une lecture linéaire ou cyclique du livre ? Pour certains, le livre de l’Apocalypse se présente de manière chronologique décrivant les uns après les autres une suite d’événements historiques (passés, présents ou futurs). D’autres proposent une lecture en spirale où les mêmes composantes de l’histoire sont vues sous des angles différents. Au lieu d’une progression linéaire, l’auteur ferait sans cesse le tour d’une question en y ajoutant des éléments qui éclairent sa compréhension.

 Finalement, à cause de la distance historique qui nous sépare de l’époque de sa rédaction. Il était beaucoup plus facile pour les premiers lecteurs de comprendre l’Apocalypse à cause de leur connaissance probable de l’auteur et du contexte socio-historique du livre qui leur permettait de déchiffrer certains symboles qui sont difficilement saisissables pour nous.

Y a-t-il qu’une seule manière de comprendre l’Apocalypse ?

Non, il existe depuis longtemps plusieurs écoles ou grilles d’interprétation :

L’école prétériste : l’Apocalypse décrirait la situation historique de l’Église à l’époque de sa rédaction dans le contexte de la domination romaine. Elle serait une transcription en langage codé des événements contemporains de l’auteur et de ses destinataires. L’auteur, voulant réconforter les chrétiens persécutés par l’empereur romain Néron ou Domitien, aurait enveloppé les noms des personnages de son temps dans des symboles difficilement déchiffrables pour ceux qui se trouvent en dehors de la communauté chrétienne afin de ne pas courir ou leur faire courir de risques inutiles.

L’école futuriste : l’Apocalypse serait une description des événements à venir, un portrait des derniers temps de l’histoire du monde. L’auteur aurait voulu encourager ses lecteurs en leur dressant un portrait des événements futurs, quoique lointains pour eux. Cette école tente de rattacher les symboles de l’Apocalypse à des événements du présent. L’on cherche, en effet, à rapprocher les textes de l’Apocalypse avec l’actualité contemporaine.

L’école spiritualiste : l’Apocalypse serait essentiellement un livre symbolique dans lequel l’auteur exprimerait des vérités spirituelles à l’aide d’images variées et ayant une portée universelle. Les symboles s’appliqueraient à l’Église de tous les temps et non seulement qu’à une période particulière du passé ou de l’avenir. L’Apocalypse serait un ouvrage intemporel illustrant sous forme imagée le combat existant entre les forces du bien et celles du mal. L’Église est toujours confrontée, où qu’elle soit, sous différentes formes ainsi qu’à différents degrés, au mal présent dans le monde.

L’école historiciste : l’Apocalypse décrirait, de manière anticipée, l’histoire du monde ou de celle de l’Église. Elle constituerait un portrait des événements devant se dérouler dans l’histoire, depuis l’Église primitive jusqu’à la fin des temps. Ainsi, chacune des sept Églises d’Asie correspondrait à une époque donnée, chaque image à un événement et chaque figure à un personnage historique. L’Apocalypse se déchiffrerait à la lumière des manuels d’histoire. Ainsi, l’Apocalypse rapporterait des événements du passé, décrirait des événements du présent et annoncerait des événements à venir.

Chacune de ces écoles a ses forces et ses faiblesses. Plusieurs commentateurs cherchent à les combiner d’une manière ou d’une autre. Chaque système interprétatif ne peut se suffire à lui seul et apporte une contribution importante à une meilleure compréhension du livre.

Quel est le message principal du livre ?

Le mot « apocalypse » est la transcription d’un terme grec signifiant dévoilement ou révélation. Le livre commence, en effet, par les mots « Révélation de Jésus-Christ » (Ap 1.1). Son sens n’est donc pas de cacher des choses ou de les rendre obscures, mais de les dévoiler.

L’Apocalypse a essentiellement pour but d’annoncer la victoire finale de Dieu sur le mal présent dans le monde. Dieu aura le dernier mot. La victoire appartient à Dieu et à Jésus-Christ même si les apparences semblent dire le contraire.

L’Apocalypse n’a pas pour but d’apeurer les croyants, mais de les encourager dans l’adversité et de les consoler dans l’épreuve. Son rôle est avant tout pastoral. Il maintient vivant l’espérance des croyants au sein de l’opposition rencontrée.

Il faut toujours garder à l’esprit ce sens global du livre, car c’est ce qui importe le plus. Plusieurs malheureusement s’attardent trop à la séquence exacte des événements de la fin du monde développant ainsi des schémas chronologiques très détaillés qui ne sont en fait que des constructions hypothétiques, et, somme toute, secondaires. L’important n’est pas tant l’ordre des événements que les événements eux-mêmes.

Pourquoi Jésus-Christ doit-il revenir ? Qu’apportera sa deuxième venue ?

Tout au long du Nouveau Testament se dessine l’espérance du retour de Jésus. À plusieurs reprises, il y est question de son apparition, de son avènement et de sa venue à la fin des temps pour y apporter le Royaume final (ex. Ac 1.11 ; Jc 5.8 ; 1 Pi 1. 3-8 ; 1 Jn 2.28 ; Ap 1.7-8 ; 22.20).

Si le Christ doit revenir, c’est essentiellement pour trois raisons :

D’abord, pour chercher son Église, la purifier, mettre un terme à sa souffrance, la prendre avec lui et lui faire partager sa victoire (ex. Mt 26.29 ; Mc 14.25 ; Lc 22.18 ; Jn 14.3 ; Ép 5.25-27 ; Ap. 19.7-8). L’important n’est pas vraiment l’enlèvement de l’Église – qui dépend de notre chronologie des temps de la fin – mais la réunion des croyants avec Christ et la célébration qui s’ensuivra (Ap. 19.7-8).

Ensuite, pour apporter la justice, juger l’humanité, procéder à la séparation finale des justes et des injustes et éliminer tout ce qui s’oppose aux desseins bienveillants de Dieu (ex. Mt 13.41-43 ; 25.31-33 ; Ac 10.42 ; 17.30-31 ; Rm 2.16 ; 1 Co 4.5 ; Ap 22.12). Le jugement dernier et la perdition éternelle font partie des enseignements de la Bible, mais il faut surtout les présenter sous l’angle de l’intervention de Dieu qui exercera sa justice, redressera les torts et rétablira son règne sur toutes choses.

Finalement, pour renouveler le monde, pour créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre et ainsi donner aux croyants glorifiés un environnement fait pour eux. Le Nouveau Testament parle d’un monde à venir qui sera totalement différent du monde actuel, un monde de paix, de joie, de justice et de bonheur durables (ex. Mt 5.5 ; Ac 3.20-21 ; Rm 8. 21 ; 2 P 3.13 ; Ap 21.1-4). La Genèse décrit la création du monde, l’Apocalypse annonce la re-création du monde.

Le Nouveau Testament annonce donc le retour de Jésus-Christ, la réunion des croyants avec lui, le jugement final de l’humanité et l’apparition d’un monde nouveau, bref, la victoire finale de Dieu en Jésus-Christ sur tout ce qui s’oppose à lui. Ce sont là les événements les plus importants qui se produiront, peu importe la séquence exacte des événements de la fin. L’important est de comprendre le message général du livre et d’avoir une idée de ce qui arrivera sans prétendre connaître les événements avec précision et leur chronologie exacte.

Avec quelles attitudes devons-nous lire l’Apocalypse ?

Avec ouverture : bien des croyants sont habitués à une lecture particulière de l’Apocalypse – souvent purement futuriste – à tel point que leur interprétation devient la véritable interprétation évangélique, ce qui les amène à se fermer à d’autres interprétations pourtant envisageables. Or, l’interprétation à laquelle nous avons été exposées n’est peut-être pas sans lacune ni la meilleure. Il vaut toujours la peine « d’examiner toutes choses » et de retenir « ce qui est bon », même parmi les interprétations qui nous semblent moins familières.

Avec discernement : lorsque nous lisons l’Apocalypse, il faut savoir distinguer entre l’essentiel et le périphérique, entre le message principal et les détails secondaires, entre les événements à venir et la séquence des événements. Ce qui importe, c’est le schéma global des événements, non d’attribuer un sens à chaque détail. Il faut savoir aller du clair à l’obscur, du connu au mystérieux, du général au spécifique. Chaque partie de l’Apocalypse doit être envisagée comme un tout et non découpée en mille et un morceaux. Il serait vain de chercher toujours sous chaque détail une intention prophétique distincte.

Avec humilité : il vaut la peine de lire et d’étudier l’Apocalypse, mais nous ne pouvons jamais être entièrement sûrs d’avoir découvert son véritable sens, du moins dans ses moindres détails. Il faut éviter de promouvoir une interprétation trop certaine ou trop rigide du livre comme si le voile avait été levé une fois pour toutes sur tous ses mystères.

Avec vigilance : nous ne pouvons peut-être pas tout comprendre, mais ce que le Seigneur demande avant tout, c’est la fidélité, non la totale compréhension. Les croyants sont régulièrement exhortés à garder à l’esprit l’imminence du retour de Jésus et à vivre à la lumière de cette réalité. Il est fort regrettable que certaines personnes dans l’histoire aient tenté de prédire le moment du retour du Seigneur. Nous déplorons de telles prédictions qui vont directement à l’encontre des paroles de Jésus.

Avec espérance : les premiers chrétiens ont adopté une vision du Royaume qui était à la fois présente et à venir. Cette tension entre le Royaume présent et le Royaume futur était au cœur du christianisme naissant. L’Église a été à la fois le lieu où l’on célèbre la présence du Royaume et le lieu où l’on attend l’arrivée du Royaume. Tout comme les premiers chrétiens, nous pouvons dire : « Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22.20).

Stéphane Rhéaume, pasteur principal
Église chrétienne évangélique de St-Eustache

« Heureux celui qui donne lecture des paroles de cette prophétie et ceux qui les entendent, et qui gardent ce qui est écrit dans ce livre, car le temps est proche. » (Ap. 1.3)

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